
Anthony Bailly
Responsable de la Gestion Actions Européennes
Si les indices actions ont terminé en hausse sur le mois d'août, la période fut néanmoins très agitée avec des baisses comprises entre -6 % et -8 % pour les indices américains et européens sur les cinq premiers jours du mois. En effet, la publication d'un ISM1 manufacturier décevant et d'un marché de l'emploi américain en net ralentissement ont réveillé les craintes d'une récession que les investisseurs avaient fini par ne plus envisager. Des données rassurantes vis-à-vis du consommateur américain, la poursuite de la baisse de l'inflation et la confirmation par J. Powell que « le temps était venu pour la politique monétaire de s’ajuster » ont cependant permis aux indices européens de se rattraper et de terminer le mois au plus haut. Le MSCI World gagnait au final +0,4 %, le S&P 500 +0,2 % et l'Eurostoxx +1,5 %2.
Le retour des craintes d'un ralentissement économique a plutôt favorisé des secteurs défensifs (assurance, telecom) et pénalisé des secteurs cycliques (énergie, technologie, matières premières). Mais les styles de gestion Value3 et Croissance4 ont quasiment fait jeu égal dans ce contexte de marché certes volatil, mais où les taux souverains n'ont que peu évolué (le Bund a été stable sur le mois et on a constaté un léger repli de 10 points de base sur le 10 ans américain5). Les performances des deux styles depuis le début de l'année restent donc très proches (+11,5 % pour la Value et +11,9 % pour la Croissance5). Avec des multiples de PE6 de respectivement à 22,3x pour la Croissance et 9,7x pour la Value, la prime de Valorisation du style croissance a cependant de progressé de 127 % à 130 % sur le mois7, et reste donc sur un niveau historiquement élevé, équivalent à celui qui prévalait lorsque les taux réels étaient encore négatifs, période qui nous semble désormais révolue.
Sur le mois, R-co Conviction Equity Value Euro gagnait +0,8 % et sous performait son indice de référence de 74 pdb8. Si notre effet d'allocation était positif, notamment, à travers notre sous-exposition marquée au secteur de la technologie qui était en difficulté sur le mois (en repli de -1,35 %5), l’effet de sélection de titres souffrait via nos convictions les plus cycliques (Société Générale -9,0 %, Forvia -14,7 %). Nous noterons cependant la bonne tenue de nos deux plus fortes surpondérations au sein du portefeuille : Sanofi gagnait +6,1 % du fait de sa dimension défensive mais aussi d'une publication de qualité, ce qui fut également le cas pour Vonovia (+9,8 %)5.
En termes de mouvements, nous avons cédé deux de nos positions au cours du mois : 1/ Inditex, titre sur lequel nous avions investi au printemps 2022 alors que la société ibérique souffrait du fort climat de tension en Europe et avait vu ses marges s'effondrer. Le titre se traitait alors sur un PE de 16,5x, loin de ses points hauts et de ses standards historiques. Depuis, le cours avait gagnait près de 140%, et le PE désormais proche de 24x n'était plus compatible avec notre biais Value5. 2/ CCEP, qui avait largement surperformé le marché depuis le début de l'année (+21,9 %) du fait de son statut de valeur de qualité, mais sans réels justifications fondamentales puisque ses BPA9 ont été revus à la baisse de -2 % sur cette même période5. Ces cessions ont été réinvestis en veillant à maintenir l'équilibre cyclique/défensif du portefeuille. Nous avons donc renforcé Pernod Ricard pour les attentes très faibles sur le titre, ABinBEV pour ses bons résultats et la poursuite de son deleveraging10, mais aussi Airbus et STMicro pour profiter des primes de risques que pouvaient laisser apparaître des faiblesses sur ces titres dont les perspectives restent très solides.
Même si les indices ont continué de progresser, ce mois d'août a fait ressurgir des inquiétudes macroéconomiques qui ne sont pas totalement dissipées. Elles sont même en partie avérées puisque le ralentissement de l'économie américaine se confirme, ce qui ne signifie pas pour autant que cette dernière va entrer en récession. Pour autant, le scénario du "no landing11" semble désormais utopique, ce qui paraît logique au regard du fort cycle de resserrement monétaire que nous venons de connaître. La question est désormais de savoir si le cycle de baisse de taux qu’entame les banques centrales arrive trop tard pour éviter une récession. Nous ne le pensons pas et continuons de privilégier un scénario de croissance molle mais positive. Néanmoins, ce retour à la réalité et à la rationalité devrait, selon nous, se retranscrire également dans le dégonflement de certains ratios de valorisations et dans la moindre concentration de la performance du marché actions. Le style Value, qui intègre, à nos yeux, déjà et depuis plusieurs mois un ralentissement de l'économie, nous semble plus immune aux incertitudes et aux déceptions macroéconomiques que ne l'est le style Croissance. Le scénario de rééquilibrage entre les styles devrait donc se poursuivre, tant du fait d'une normalisation de l'activité, que de l'intégration d'un nouveau paradigme sur les taux, qui ne semble toujours pas acté en termes de style de gestion.