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Note sectorielle : l’immobilier coté en Zone euro

Focus Fonds  —  27/10/2020

Paul Reuge

Gestionnaire Actions Européennes

En savoir plus R-co Thematic Real Estate

Les marchés financiers : visionnaires avisés ou juges partiaux ?

Finalement peu importe !  

Effectivement, il s’agit de l’amer constat que l’on peut faire suite à la succession d’événements que connaissent les foncières de commerce cotées en Bourse depuis le début de l’année. Après la faillite d’Intu Properties, une foncière anglaise, au mois de juin dernier, la recapitalisation d’Hammerson, une foncière disposant d’un portefeuille au Royaume-Uni et en France fin août, c’est à présent au tour d’Unibail-Rodamco-Westfield d’acter une dilution conséquente, en levant plus de la moitié de sa capitalisation boursière avec une décote importante. Il aurait fallu, toutes choses égales par ailleurs, une baisse de valorisation de ses immeubles de 30% pour retrouver le même niveau d’actif net… Les anticipations des marchés financiers, bonnes ou mauvaises, sont bien devenues autoréalisatrices. Si la crise sanitaire s’est révélée pénalisante pour le commerce, le niveau excessif d’endettement a permis la convergence entre les réalités boursières et économiques au détriment de la seconde.

Klépierre sera-t-elle la prochaine à être prise pour cible ? Comme le laisse suggérer la soudaine augmentation de positions “short(1)” sur le titre – il est devenu compliqué, pour cause de pénurie, d’emprunter des titres Unibail-Rodamco-Westfield alors qu’il est encore possible de vendre à découvert Klépierre. Ou peut-on espérer entrevoir la lumière au bout du tunnel ?  

Pour envisager un retour des investisseurs vers les centres commerciaux, plusieurs conditions devront être réunies :

  • Un niveau de fréquentation stabilisé et proche de celui d’avant crise sanitaire,
  • La certitude que le niveau de loyer actuel est viable pour les enseignes dans un contexte déflationniste, ou à défaut, que la remise “en valeur de marché” soit rapide et suffisante,
  • Un retour des liquidités sur le marché de l’investissement,
  • Un assainissement du bilan des foncières.

(1) Stratégie d’investissement consistant à prendre des positions vendeuses sur des actions dont on pense qu’elles se déprécieront.

 

Qu’en est-il aujourd’hui ?  

Les chiffres publiés par Unibail-Rodamco-Westfield, particulièrement représentatif au niveau européen, sont encourageants en l’état, sauf à anticiper de nouvelles restrictions. En moyenne, la fréquentation comparée à 2019 est de -20% pour un chiffre d’affaires de -10% (le consommateur ne vient plus en famille) :

Évolution de la fréquentation des centres commerciaux d’Unibail-Rodamco-Westfield en 2020

 


(1) Hors Carrousel du Louvre et CNIT
(2) Hors Carrousel du Louvre
(3) Données préliminaires au 15 septembre 2020
Source : Unibail-Rodamco-Westfield, septembre 2020

 

Le cas particulier des “retail park(2)” fait même état, à fin aout, d’une fréquentation comparable à 2019(3). On peut vraisemblablement estimer que ces chiffres vont continuer de s’améliorer une fois la crise sanitaire maitrisée, l’incertitude demeure toutefois sur le maintien des loyers à leur niveau pré-Covid-19. La progression inexorable du e-commerce laisse à penser que la pandémie ne pourrait être qu’un catalyseur.

Les prévisions de parts de marché du commerce en ligne en Europe sont de 20% à horizon 2025, contre près de 13% actuellement. Les courbes d’expérience des pays les plus avancés, comme la Chine et le Royaume-Uni, font ressortir un seuil de 15% à partir duquel le commerce physique commence à pâtir du commerce en ligne.

(2) Centres commerciaux à ciel ouvert (3) Source : Frey, septembre 2020  

Estimation du taux de pénétration du commerce en ligne en Europe d’ici 2025

Impact de l’augmentation des parts de marché du e-commerce sur la croissance des loyers (à périmètre constant)

(1) Région économique qui regroupe les pays d’Europe, du Moyen-Orient et de l’Afrique
Sources : BofA Global Research, ONS, HDE, Fevad-INSEE, Milan polytechnic, Netcomm, eMarketer, Company reports, septembre 2020

Il est vraisemblable que ce seuil soit plus élevé en Europe continentale du fait d’un rapport historique davantage équilibré entre le coup d’occupation (loyers plus charges et taxes immobilières) et le chiffre d’affaires des commerçants, mais cela ne devrait vraisemblablement que repousser l’échéance. De même, la croissance de la consommation, déjà modérée en Europe continentale avant la crise sanitaire, ne compensera pas la perte de marge des enseignes occasionnée par l’augmentation de la vente en ligne.

 En effet, les marges d’EBITDA(4) du commerce physique sont bien supérieures à celle du commerce en ligne, par conséquent, toute progression des ventes en ligne conduit à une pression sur les marges et, in fine, sur les loyers.

Écart de marge d’EBIT entre acteur traditionel et en ligne dans le secteur de la vente de vêtements

 

Sources : BofA Global Research estimates, septembre 2020. Moyenne d’Asos, Farfetch, Revolve, Zalando, Zoho & Boohoo pour les acteurs de la vente en ligne.   

 

On peut estimer une baisse moyenne de 15% à 20% des loyers une fois que l’e-commerce aura atteint 20% de part de marché, avec l’hypothèse d’un effort partagé entre enseignes et bailleurs (effort consenti sur le loyer permettant de diviser par deux la baisse de la marge d’EBITDA) :

Effet estimé du e-commerce sur les marges des enseignes et le niveau des loyers  

 

Sources : BOFA, Rothschild & Co Asset Management Europe, septembre 2020.
(4) Earnings Before Interest, Taxes, Depreciation, and Amortization ou bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement. Indicateur financier calculé à partir des bénéfices d’une société avant que n’en soient soustraits les intérêts, les impôts et taxes, les dotations aux amortissements et les provisions sur immobilisations.

La qualité des actifs permettra de nuancer cette baisse, peut-être même de l’éviter pour les sites d’exception, accentuant la polarisation déjà commencée entre les différents formats de commerce (l’expérience de la crise sanitaire a montré que les actifs les plus résilients ne sont pas nécessairement les plus gros). La tendance va cependant rester déflationniste.

En ce qui concerne le marché de l’investissement, la transaction la plus importante de l’année reste celle annoncée par Unibail-Rodamco-Westfield fin 2019 et achevée au premier semestre 2020 pour 2 milliards d’euros. Réalisée sous la forme d’une “Joint-Venture(6)“ elle n’a pas convaincu de la liquidité du portefeuille d’Unibail-Rodamco-Westfield. Des vendeurs forcés sont par ailleurs sur le marché, nous devrions avoir un peu plus de visibilité d’ici la fin de l’année sur l’ampleur de la baisse des valorisations.

Du côté du bilan des foncières, les ratios de dette plutôt élevés avant crise sanitaire pourraient fortement augmenter en cas de dégradation significative de la valeur des immeubles, cet élément est particulièrement préoccupant, puisque toute recapitalisation devient dilutive, enfermant les protagonistes dans un cercle vicieux (expliquant la réaction des cours de bourse). Pour les foncières disposant de dettes obligataires, la dégradation de la notation ajoute une pression supplémentaire, comme dans le cas d’Unibail-Rodamco-Westfield.

Rapport entre la dette et la valeur du patrimoine

Sources : Kempen, Rothschild & Co Asset Management Europe, septembre 2020.  

 

Les valorisations boursières intègrent-elles l’ensemble de ces éléments ?  

Le niveau de décote actuel moyen sur actif net des foncières de commerce est de 60% (soit 30% sur actif brut(7)) ce qui revient à valoriser une baisse de valeur des actifs de 20%, à laquelle s’ajoute une augmentation de capital dont la taille correspondrait à la moitié de la capitalisation boursière.

Ce niveau de valorisation semble donc cohérent vis-à-vis des risques anticipés. Toutes bonnes nouvelles devraient profiter aux titres, pour autant, il est peu probable d’envisager une revalorisation massive, tant que les conditions précédemment évoquées ne seront pas réunies. Dans ce contexte, nous maintenons une exposition limitée sur le secteur des centres commerciaux à moyen long terme, tout en essayant de tirer profit à plus courte échéance de certains excès du marché.

(5) Ou co-entreprise, consiste en la coopération entre plusieurs sociétés légalement et économiquement indépendantes, afin de réaliser un projet commun.
(6) Source : Bloomberg, Rothschild & Co Asset Management, octobre 2020 

 

Positionnement du fonds  

Deux tiers du portefeuille sont investis dans des secteurs “covid-résilents”, soit le logement en Allemagne (36%), la logistique et les entrepôts (15%), ainsi que les actifs de santé (9%). Un peu moins d’un tiers est alloué aux actifs plus exposés, soit 11% pour les centres commerciaux et 17% pour les bureaux avec une approche prudente (sélection de foncières investies dans les quartiers centraux disposant d’un bilan solide et d’une valorisation attractive).

Répartition du portefeuille par classes d’actifs selon le niveau de décote/surcote au regard de la performance attendue

 

Source : Rothschild & Co Asset Management, octobre 2020.