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Monthly Macro Insights — Septembre 2024

Stratégie  —  11/09/2024

Marc-Antoine Collard

Chef économiste – Directeur de la recherche macroéconomique

Alors que la croissance mondiale ralentit, les investisseurs anticipent que les effets positifs de l'assouplissement monétaire se feront sentir dès le début de l'année prochaine. Les atterrissages en douceur s’avèrent cependant difficiles à prévoir, car les premiers signes de décélération ne sont guère différents de ceux d’une glissade vers la récession. 

Perspectives incertaines aux États-Unis

Par rapport à son potentiel, les États-Unis sont l'une des rares économies avancées à avoir enregistré une reprise complète durant la période postpandémie. Plus récemment, le PIB américain a augmenté de 3 % en glissement trimestriel annualisé au deuxième trimestre de 20241, dépassant tous les pays du G7. Cependant, les risques baissiers se multiplient.

Bien que la dynamique des dépenses de consommation ait été solide, le taux d'épargne a chuté à 2,9 % en août1, l'un des niveaux les plus bas de son histoire. En fait, les ménages puisent dans leurs économies pour maintenir leurs dépenses, ce qui pourrait compromettre la consommation future. Bien que le déclin du taux d’épargne puisse s’expliquer par un effet de richesse, alimenté par la hausse des prix de l'immobilier et des actions, certaines données suggèrent toutefois que les ménages sont vulnérables. Le taux de défaillance des cartes de crédit et des prêts automobiles poursuit sa remontée, augmentant au-dessus des niveaux prépandémiques et signalant un stress financier accru, en particulier chez les jeunes et les ménages à faible revenu.

Plus important encore, le marché du travail montre des signes manifestes d'affaiblissement. La croissance de l'emploi entre avril 2023 et mars 2024 a été nettement plus faible qu’initialement estimé. En effet, l'examen annuel des données sur l'emploi par le Bureau of Labor Statistics (BLS) a révélé qu'il y avait 818 000 emplois2 de moins par rapport à ce qui avait été initialement rapporté, marquant la plus importante révision à la baisse depuis 2009. Par conséquent, réparti sur 12 mois, le gain moyen mensuel d'emplois était d’environ 174 000 et non pas de 242 0002. Bien que ce rythme soit somme toute satisfaisant, une surestimation des emplois concentrée au début de 2024 aurait des implications significatives pour le mandat de plein emploi de la Fed.

Si la révision du BLS ne modifie pas les données mensuelles actuelles pour le moment, les dernières statistiques renforcent l’idée d'un marché du travail en détérioration. L’emploi n’a augmenté que de 142 000 en août, en deçà des 165 000 attendus2, tandis que les chiffres des deux mois précédents ont été réduits de -86 000 postes2. Le taux de chômage a certes légèrement fléchi, passant de 4,25 % à 4,22 %, mais les investisseurs s'attendaient à une baisse plus marquée, puisque de nombreux travailleurs affectés par des licenciements temporaires en juillet ont depuis réintégré le marché du travail. Globalement, ces données suggèrent que le marché du travail ne s'effondre pas, mais l'indicateur de récession de Sahm3 a néanmoins poursuivi sa hausse pour atteindre 0,57, s'élevant ainsi encore un peu plus au-dessus du seuil de 0,50, lequel a correctement prédit toutes les récessions américaines depuis la Seconde Guerre mondiale.

La Fed se retrouve ainsi confrontée au choix d'une réduction de -25 ou -50 points de base (pdb) comme premier pas vers une normalisation de sa politique monétaire lors de la réunion des 17 et 18 septembre. Une réduction de -50 pdb pourrait être mal accueillie par les marchés financiers, dans la mesure où elle indiquerait potentiellement une inquiétude concernant la santé de l'économie. Plus globalement, les investisseurs s'attendent à une réduction d'environ -250 pdb du taux directeur d'ici la fin de 2025, un rythme jamais vu en dehors d'une récession. Cette fois-ci sera-t-elle différente ?

Croissance anémique en zone euro

La croissance économique de la zone euro est restée modeste au deuxième trimestre 2024, avec une hausse du PIB de seulement 0,8 % en rythme trimestriel annualisé, après une progression de 1,3 % au trimestre précédent4. Dans le détail, la demande intérieure montre des signes de grande faiblesse, tant du côté des ménages que des entreprises, tandis que les exportations sont le seul point positif. Les ventes au détail ont à peine progressé en juillet, augmentant de seulement 0,1 % en glissement mensuel après une baisse de -0,4 % en juin4, ce qui suggère que la faiblesse de la consommation s'est poursuivie pendant l'été. Cela dit, les perspectives ne sont pas complètement obscures, les consommateurs pouvant compter sur des gains solides du revenu réel.

Selon la dernière enquête de confiance auprès des entreprises, le mois d'août a vu une légère reprise de l'activité économique, l'indice PMI5 composite ayant augmenté de 0,8 point pour atteindre 514. Cependant, l'amélioration a été tirée par le secteur des services (+1 point pour atteindre 52,9), en grande partie grâce au fort rebond en France (+4,9 points pour atteindre 55), manifestement influencé par les Jeux olympiques. En revanche, cet élan pourrait pâtir d’un contexte d'incertitude politique élevée. Le président français Emmanuel Macron a mis fin à deux mois de blocage avec la nomination de Michel Barnier comme Premier ministre, mais l’arbitrage entre discipline budgétaire et demandes incessantes de dépenses publiques s’avère très complexe. Le gouvernement qui sera formé doit soumettre un budget d'ici le 1er octobre et les règles de l'UE exigent qu'une stratégie budgétaire à long terme soit envoyée à Bruxelles en septembre.

De plus, le risque baissier entourant la croissance de la zone euro est amplifié par l'écart persistant entre l’industrie manufacturière et les services. Le PMI manufacturier est resté stable à 45,8 en août4, demeurant ainsi profondément en territoire de contraction, l'Allemagne demeurant (42,4) à un niveau particulièrement faible. La production industrielle allemande a chuté de manière inattendue de -3 % m/m en juillet, tandis qu'elle a diminué de -0,5 % en France4.

S’il est attendu que la BCE réduira ses taux d’intérêt le 12 septembre en raison de l’augmentation des risques pour la croissance, l'inflation toujours élevée reste une contrainte, d’autant plus que l'inflation des services a accéléré à 4,2 % en août4, un niveau incompatible avec l’objectif de la stabilité des prix.

Les risques de déflation en Chine augmentent

En août, le PMI manufacturier chinois a chuté à 49,1 contre 49,4 en juillet6, prolongeant ainsi à quatre mois consécutifs la confiance en territoire de contraction. Le PMI des services a légèrement augmenté à 50,36, grâce à une consommation plus élevée pendant la saison des vacances d'été, mais la confiance dans le secteur de la construction s’est dégradée, signalant une détérioration d’un levier essentiel du gouvernement pour soutenir l’activité économique. Bien que les températures élevées et les fortes pluies puissent en partie expliquer la faiblesse globale de la confiance des entreprises en août, ces données suggèrent que l'économie chinoise continue de peiner alors que la morosité prolongée du secteur immobilier pèse sur les consommateurs et les entreprises.

Or, la faiblesse de la demande intérieure a conduit à des guerres de prix intenses dans plusieurs secteurs. À seulement 0,3 % en août6, l'inflation sous-jacente a ralenti à son plus bas niveau depuis plus de trois ans, tandis que les prix à la production dans les industries manufacturières ont chuté plus fortement, laissant présager une pression accrue sur l'inflation à venir. Ainsi, les pressions déflationnistes se renforcent et l'atteinte de l’objectif de croissance économique d'environ 5 % devient de moins en moins probable, les consommateurs retardant leurs achats et les entreprises réduisant les salaires. En outre, le secteur exportateur fait face à des vents contraires importants. Après les États-Unis et l'Europe, le Canada a annoncé qu'il imposerait de nouveaux tarifs sur les véhicules électriques, l'acier et l'aluminium fabriqués en Chine.

En somme, les banques centrales des économies avancées ont indiqué qu'elles étaient déterminées à réduire – ou à continuer de réduire – leurs taux d'intérêt au cours des mois à venir, ce qui marque le début de la fin d'une ère de coûts d'emprunt élevés. Cependant, beaucoup d’incertitudes et de risques subsistent, alors qu’aucune indication claires n’a été communiqué sur la rapidité avec laquelle elles entendent procéder, notamment parce que la dégradation du marché du travail se heurte à une inflation somme toute résiliente. En outre, il est généralement reconnu que les effets négatifs du resserrement des politiques monétaires sur la croissance – et sur l'inflation – ont été plus longs que ce que l’on a observé historiquement. De la même manière, la baisse des taux directeurs pourrait-elle générer un soutien à la croissance plus lent que ce qu’attendent les investisseurs ? Cette question est loin d’être tranchée.

Achevé de rédiger le 10 septembre 2024.

(1) Source : S&P Global, septembre 2024.
(2) Source : US Bureau of Labor Statistics, septembre 2024.
(3) Cette règle prévoit que l'économie américaine entre en récession lorsque la moyenne des trois derniers mois du taux de chômage est supérieure de 0,5 point de pourcentage (50 points de base) ou plus à son niveau le plus bas des douze derniers mois.
(4) Source : Eurostat, septembre 2024.
(5) Indice des directeurs d’achat, indicateur reflétant la confiance des directeurs d’achat dans un secteur d’activité. Supérieur à 50 il exprime une expansion de l’activité, inférieur à 50, une contraction.
(6) Source : National Bureau of Statistics of China, septembre 2024.