
Marc-Antoine Collard
Chef économiste – Directeur de la recherche macroéconomique
Selon les dernières données de l'indice PMI de S&P Global, la croissance de l'économie mondiale a ralenti, atteignant en septembre son niveau le plus bas depuis huit mois. Dans le secteur des services, le PMI a reculé de 0,9 point pour s'établir à 52,91, son niveau le plus faible depuis avril. Les sous-indices sont également préoccupants pour les banques centrales : les pressions inflationnistes s'accentuent avec des augmentations plus prononcées des coûts des intrants et des prix facturés, tandis que la composante mesurant les perspectives de production future a chuté à son plus bas niveau en près de deux ans. Dans le secteur manufacturier, le PMI2 a diminué de 0,8 point pour atteindre 48,81, signalant une contraction pour le troisième mois consécutif et se rapprochant de niveaux rarement observés en dehors des périodes de récession. Parmi les grandes économies, la zone euro a enregistré le déclin le plus marqué, notamment en Allemagne.
Dans l'ensemble, le PMI composite (52) montre que l'économie mondiale reste résiliente, mais il a néanmoins perdu près de -2 points depuis mai1. De telles baisses sur une période de quatre mois peuvent survenir lors de phases d'expansion prolongée, mais elles sont rares, ce qui pourrait ainsi ébranler l'optimisme des investisseurs.
De plus, les risques géopolitiques se sont récemment accrus. La guerre en Ukraine se poursuit sans qu'aucune perspective politique ne se dessine, alors que le conflit entre Israël et le Hamas au Moyen-Orient, aggravé par les attaques de missiles houthis sur des navires dans la mer Rouge, s’est intensifié et pourrait avoir des répercussions économiques, notamment par le biais de son impact sur les prix de l’énergie.
Aux États-Unis, l’élection présidentielle du 5 novembre reste incertaine, et le retour de l’ancien président Donald Trump pourrait affecter l'économie mondiale de plusieurs façons. Par exemple, sa politique proposée d’imposer des tarifs douaniers de 10 % sur tous les biens importés pourrait encore perturber les chaînes d'approvisionnement et avoir un impact significatif sur l'activité économique, notamment si les partenaires commerciaux ripostent.
L'inflation dans la zone euro a ralenti à 1,8 %3 en septembre selon les estimations préliminaires, en dessous de l’objectif de 2 % de la BCE pour la première fois depuis 2021, grâce à la baisse des coûts de l’énergie. Cependant, l'inflation sous-jacente reste élevée à 2,7 %3, l'inflation des services n’ayant que légèrement diminué à 4 % et suggérant des pressions internes sur les prix toujours considérables. Par ailleurs, les inquiétudes concernant l’économie augmentent. Le PMI a chuté de 1,4 point3 en septembre pour atteindre 49,63, avec un secteur manufacturier particulièrement faible à 453. La membre du directoire de la BCE, Isabel Schnabel, a récemment souligné les signes d'affaiblissement de la demande de travail, les vents contraires à la croissance et les progrès supplémentaires en matière de désinflation comme étant des facteurs à prendre en compte pour la conduite de la politique monétaire. Cela a renforcé les anticipations d’une réduction des taux d’intérêt lors de la prochaine réunion de la BCE le 17 octobre, d’autant plus que l'inflation pourrait augmenter dans les mois à venir en raison des effets de base, ce qui, dès lors, rendrait une baisse des taux plus délicate à justifier.
De son côté, la Fed a opéré un changement significatif dans sa perception des risques macroéconomiques en abaissant les taux de 50 points de base et en signalant d'autres baisses lors des prochaines réunions, le marché du travail s’avérant ainsi au cœur de ses préoccupations. Cela dit, les récentes données sont mitigées, et il est encore incertain dans quelle mesure le marché obligataire devra revoir ses attentes concernant l'assouplissement monétaire.
Dans le secteur manufacturier, l'indice ISM est resté à un faible 47,21en septembre, en territoire de contraction pour le sixième mois consécutif. À l’inverse, l'ISM des services a bondi de 3,4 points à 54,91, son niveau le plus élevé depuis février 2023 et suggérant que l'économie était sur des bases solides à la fin du troisième trimestre 2024. Par ailleurs, les emplois ont augmenté de 254 000 en septembre5, contre 159 000 en août et une anticipation de 150 000. Le taux de chômage est passé de 4,2 % à 4,1 %5, tandis que la croissance des salaires s'est accélérée, avec une hausse de 0,4 % des gains horaires moyens en glissement mensuel5, après une révision à la hausse de 0,5 %5 le mois précédent. Combinées à l'augmentation des offres d'emploi en août, ces données suggèrent que le marché du travail reste somme toute bien orienté et atténuent les craintes d'une détérioration rapide de l'économie. Par conséquent, les attentes de baisses de taux pour les prochains mois pourraient être revues à la baisse.
Les données sur l'activité en Chine pour le mois d'août ont été très décevantes. La seule bonne nouvelle concerne les exportations, qui ont accéléré de manière inattendue, atteignant leur valeur la plus élevée depuis près de deux ans. En revanche, le secteur est confronté à des vents contraires depuis que les États-Unis, l'Europe et le Canada ont annoncé de nouvelles taxes à l'importation sur les véhicules électriques, l'acier et l'aluminium fabriqués en Chine.
La croissance de la production industrielle a ralenti plus que prévu, les ventes au détail ont de nouveau été décevantes, et le taux de chômage calculé a augmenté pour le deuxième mois consécutif, passant de 5,2 % en juillet à 5,3 % 6, son plus haut niveau depuis six mois. Les prix de l’immobilier ont continué de baisser, tant dans les segments neuf que d’occasion, à un rythme accéléré par rapport à juillet. L'inflation sous-jacente a ralenti à 0,3 %6, son plus bas niveau depuis plus de trois ans, tandis que les prix à la production dans les industries manufacturières ont chuté plus fortement, suggérant une pression accrue sur l'inflation des biens de consommation. Globalement, les pressions déflationnistes deviennent plus ancrées, réduisant les chances de la Chine d'atteindre son objectif de croissance de 5 % pour 2024, les consommateurs retardant leurs achats et les entreprises réduisant les salaires.
Face à la persistance de la crise immobilière et à une croissance morose, le gouvernement chinois a annoncé de nouvelles mesures de soutien. La Banque Populaire de Chine (PBoC) a abaissé le taux de prise en pension (reverse repo) à 7 jours de 20 points de base, le portant à 1,5 %6, et a également annoncé une réduction de 50 points de base du ratio de réserves obligatoires des banques. Concernant le secteur immobilier, la PBoC a abaissé l'exigence de paiement initial pour les seconds prêts immobiliers à 15 %, contre 25 %6 auparavant, après une première réduction en mai (de 30 % à 25 %), et a demandé aux banques de réduire les taux d'intérêt sur les crédits immobiliers existants d'environ 50 points de base6.
Bien que des mesures similaires aient été mises en place au cours des dernières années avec un impact limité sur l’économie, le fait qu'elles aient été annoncées le même jour a renforcé la confiance des investisseurs. De plus, la politique budgétaire pourrait jouer un rôle de plus en plus important pour soutenir l’économie.
En effet, au cours des dernières années, la pratique du Politburo7 a été de se concentrer sur les questions structurelles et idéologiques. Or, la préoccupation principale de la dernière réunion était distincte, réitérant le message de soutien à la croissance et aux prix des actifs annoncé quelques jours plus tôt par la PBoC. Bien que le Politburo n'ait offert aucun détail sur l’ampleur ou le calendrier d’un potentiel plan de relance, ce changement de ton reflète vraisemblablement un sentiment d’urgence de la part des dirigeants politiques pour stimuler l’économie et restaurer la confiance des marchés. Reste à voir maintenant si les moyens mis en œuvre seront à la hauteur de l’espoir qu’à susciter ce changement de cap.
Achevé de rédiger le 07 octobre 2024.