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Monthly Macro Insights - Novembre 2023

Stratégie  —  07/11/2023

Marc-Antoine Collard

Chef économiste – Directeur de la recherche macroéconomique

Les derniers mois ont été marqués par une nouvelle détérioration de la confiance des consommateurs, tandis que la confiance des entreprises s’est affaiblie dans de nombreux pays. La plupart des investisseurs restent cependant optimistes, anticipant une résilience de l’économie mondiale dans un contexte de fin du resserrement monétaire.

Toujours plus de divergences au troisième trimestre…

En Chine, le PIB a progressé de 1,3 % en glissement trimestriel (t/t), marquant une amélioration par rapport au rythme plus faible de 0,5 % au deuxième trimestre(1). Ce rythme demeure néanmoins bien en deçà de sa moyenne pré-pandémie et le faible niveau d’inflation, oscillant autour de 0 % au cours des derniers mois, suggère que la demande domestique s’avère très fragile. Les autorités chinoises ont récemment pris la décision d’émettre de nouvelles obligations d’une valeur de 1 000 milliards de yuans(2) afin de financer certains projets d’infrastructures notamment, et ainsi stimuler l’activité. En effet, le PMI non-manufacturier est tombé à 50,6 en octobre(3), atteignant le niveau le plus bas depuis que le gouvernement a mis fin à sa politique zéro-Covid l’an dernier. Dans le secteur manufacturier, le PMI a chuté à 49,5(4) et les sous-indices des prix de la production et des intrants ont tous deux diminué, alimentant le débat sur les risques déflationnistes. Dans l’ensemble, la faiblesse des statistiques suggère que la dynamique fragile de l’économie s’est poursuivie au début du quatrième trimestre, et que de nouvelles mesures de relance budgétaire et d’expansion monétaire seront probablement nécessaires.

Bien que l’activité économique ne soit pas en chute libre, le PIB de la Zone euro s’est néanmoins contracté de -0,1 % t/t(5) dans un contexte de taux d’intérêts toujours plus élevés, d’une demande extérieure faible et des effets persistants du choc des prix de l’énergie. La croissance en France (0,1 %), en Espagne (0,3 %) et en Belgique (0,5 %) a été contrebalancée par une baisse de l’activité en Irlande (-1,8 %), en Autriche (-0,6 %), au Portugal (-0,2 %) et en Allemagne (-0,1 %), alors que la croissance italienne a marqué le pas après la forte contraction observée au deuxième trimestre.

… mais la surperformance américaine sera mise à l’épreuve

À l’inverse, le PIB américain a augmenté de 1,2 % t/t – ou de 4,9 % t/t annualisé(6) – soit le rythme le plus rapide depuis 2021. L’investissement des entreprises a chuté pour la première fois en deux ans en raison d’une baisse des dépenses d’équipement, de même que les exportations nettes. Cependant, la demande des ménages est restée étonnamment résiliente. Par ailleurs, les stocks des entreprises et les dépenses publiques ont également apporté des contributions positives non négligeables à la croissance.

Toutefois, cette surperformance américaine s’explique en grande partie par des facteurs temporaires. En premier lieu, la contribution des dépenses publiques au cours des derniers trimestres a été deux fois plus importante par rapport à sa moyenne pré-pandémie. De plus, jusqu’à récemment, le déficit budgétaire a doublé, ce qui a également permis d’accompagner la croissance américaine. Toutefois, l’accord sur le plafond de la dette adopté plus tôt dans l’année, combiné au prochain budget actuellement débattu au Congrès, vont vraisemblablement inverser la tendance récente de la contribution des dépenses publiques au PIB.

Deuxièmement, l’investissement résidentiel a apporté une légère contribution positive à la croissance après avoir diminué au cours des neuf trimestres précédents. Avec la montée en flèche des taux d’intérêt des crédits immobiliers à leur niveau le plus élevé depuis près de 25 ans(6), le secteur redeviendra fort probablement un frein à la croissance.

Enfin, les Américains ont continué à puiser dans leur épargne pour financer leur consommation actuelle, faisant passer le taux d’épargne de 5,2 % à 3,8 %(6), une tendance qui n’est pas soutenable. La bonne tenue de la consommation s’explique également par des événements tels que les tournées de Taylor Swift et de Beyoncé, ainsi que les films Barbie et Oppenheimer, qui ont temporairement dopé les dépenses en divertissement. Or, la résilience des consommateurs sera mise à l’épreuve par des coûts d’emprunt plus élevés, le resserrement des conditions d’octroi de crédit et la reprise des paiements des prêts étudiants.

La hausse des taux souverains inquiète les banques centrales…

La hausse récente des taux souverains mondiaux peut en partie être expliquée par la stratégie du « higher for longer » des banques centrales qui martèlent depuis des mois la nécessité de conserver une politique monétaire restrictive dans la durée. Elle peut également s’expliquer par les risques associés aux finances publiques et à la soutenabilité de la dette alors que les paiements d’intérêt sont appelés à fortement augmenter. En outre, la volatilité de l’inflation pourrait s’accroître dans les prochaines années en raison notamment des effets de la lutte contre le réchauffement climatique. En somme, les investisseurs semblent maintenant exiger des primes de terme plus élevées.

Cette tendance a plusieurs répercussions, notamment aux États-Unis. En effet, les rendements du trésor américain servent de référence pour déterminer le coût de l’emprunt de toute une série de prêts pour les ménages, les entreprises et les gouvernements. Ils influencent les taux des crédits immobiliers et le fonctionnement du marché immobilier. Ils ont également un impact sur la stabilité des institutions financières et du système dans son ensemble, dans la mesure où leurs mouvements se répercutent sur les marchés financiers et les économies d’autres pays.

La Fed reconnaît que le taux directeur actuel pourrait ne pas être suffisamment restrictif pour ramener l’inflation à sa cible, d’autant plus que la surprise à la hausse de l’indice du coût de l’emploi, l’augmentation des offres d’emploi et la hausse des prix de l’immobilier sont autant de facteurs susceptibles d’alimenter les pressions inflationnistes. Cela étant, bien qu’il ait laissé la porte ouverte au relèvement du taux directeur, le président de la Fed, M. Powell a laissé entendre que le resserrement des conditions financières en général, et la hausse des taux souverains en particulier, pèseront sur l’activité économique et, dès lors, réduisent considérablement la nécessité de resserrer davantage la politique monétaire. Ainsi, les taux obligataires ont chuté, et les marchés d’actions se sont redressés, reflétant l’optimisme des investisseurs quant à la volonté de la Fed de pivoter vers une politique monétaire moins restrictive, ce qui a eu pour effet d’assouplir les conditions financières.

Or, afin d’avoir un effet sur la croissance et, à terme, sur l’inflation, le resserrement des conditions financières doit se poursuivre pendant un certain temps. Paradoxalement, le mouvement des marchés à la suite de l’intervention de Powell pourrait contraindre la Fed à revenir à sa campagne de relèvement des taux alors que le combat contre l’inflation est loin d’être terminé.

…mais l’inflation nécessite une vigilance constante

La plupart des pays ont connu une baisse soutenue de l’inflation et les prévisions du consensus semblent indiquer que l’atteinte des cibles d’inflation devrait se faire aisément.

Une grande partie de la désinflation est due à la baisse des prix des matières premières vers la fin 2022, en particulier de l’énergie, et à l’amélioration considérable des chaînes d’approvisionnement. En revanche, l’inflation sous-jacente a été plus persistante, l’inflation des services n’ayant eu tendance à baisser que progressivement.

Par ailleurs, l’évolution du prix des matières premières reste hautement incertaine. Les tensions géopolitiques croissantes depuis le début de la crise au Proche-Orient rappellent aux investisseurs à quel point le processus de désinflation peut s’avérer fragile. La possibilité d’une escalade régionale fait peser des risques à la hausse non négligeable sur les prix de l’énergie, ainsi que des matières premières plus globalement. En outre, les phénomènes météorologiques extrêmes, tels que El Niño(7), constituent un facteur de risque supplémentaire, notamment pour les prix alimentaires. Si les chocs des prix des matières premières sont généralement plutôt ignorés par les banques centrales, ces dernières devraient cette fois redoubler de prudence dans un contexte où l’inflation est trop élevée depuis déjà trop longtemps, augmentant ainsi le risque de désancrage des anticipations d’inflation.

Achevé de rédiger le 3 novembre 2023.

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(1) Source : Bloomberg, 31/10/2023.
(2) Source : Agence Xinhua, octobre 2023.
(3) Indice des directeurs d’achat, indicateur reflétant la confiance des directeurs d’achat dans un secteur d’activité. Supérieur à 50 il exprime une expansion de l’activité, inférieur à 50, une contraction.
(4) Source : National Bureau of Statistics of China, octobre 2023.
(5) Source : Eurostat, octobre 2023.
(6) Source : U.S. Bureau of Economic Analysis, octobre 2023.
(7) El Niño est la conséquence d’une perturbation atmosphérique dans l’océan Pacifique, entre les côtes péruviennes et l’Océanie. Il apparaît tous les deux à sept ans en réaction à l’accumulation d’un trop-plein de chaleur dans les eaux des tropiques, et dure de sept à douze mois.