Connexion

Mot de passe oublié ?

Code d'accès

Connexion

Mot de passe oublié ?

Connexion

Monthly Macro Insights — Juillet 2024

Stratégie  —  09/07/2024

Marc-Antoine Collard

Chef économiste – Directeur de la recherche macroéconomique

La confiance des entreprises a faibli à la fin du T2-24, jetant le doute sur la dynamique positive à l’aube du second semestre, tandis que l’incertitude politique croissante s’ajoute à une conduite déjà compliquée de la politique monétaire.

Une fin de semestre faible

La croissance mondiale semble avoir perdu de son élan selon les indicateurs de confiance des entreprises. L'indice S&P Global PMI1 a baissé à la fois dans le secteur manufacturier (-0,1 point) et dans les services (-0,9 point) malgré une confiance forte aux États-Unis (+0,3 point à 51,6 et +0,5 point à 55,3, respectivement)2 .

En outre, les indicateurs nationaux continuent de brosser un tableau encore plus sombre que les indices S&P Global. En Chine, l'indice PMI manufacturier publié par l’agence statistique est resté en territoire de contraction (49,5) en juin, comparativement à un indice S&P PMI chinois en hausse de 0,1 point à 51,82. Aux États-Unis, l'indice ISM manufacturier a chuté de manière inattendue de -0,2 point à 48,5 tandis que l'indice des services a plongé de -5 points à 48,83, un niveau observé pour la dernière fois lors de la récession de 2008-2009, à l'exception de la baisse momentanée au début de la pandémie, suggérant que l’activité s’est contractée à un rythme accéléré en juin. Reste à voir si les enquêtes nationales sont plus près de la réalité, ce qui bouleverserait certainement les projections économiques optimistes des investisseurs.

Des perspectives troubles en Chine

En Chine, l'inflation globale est restée à seulement 0,3 % en mai, tandis que l'inflation sous-jacente est tombée à 0,6 %4, alimentant les inquiétudes concernant la faiblesse persistante de la demande intérieure dans un contexte de récession prolongée du secteur immobilier. De plus, les États-Unis ont annoncé de fortes hausses de droits de douane ciblant certaines importations stratégiques en provenance de Chine, notamment les semi-conducteurs et les véhicules électriques, et l’Europe pourrait emboiter le pas.

Le seul point positif des données d'activité économique de mai a été la croissance des ventes au détail, qui ont augmenté à 3,7 % sur un an contre 2,3 % en avril4. En revanche, le rythme de croissance de la production industrielle s’est essoufflé à 5,6 % sur un an, contre 6,7 % le mois précédent, et l’investissement en capital fixe a ralenti de manière inattendue à 4 % sur un an au cours des cinq premiers mois de 20244.

Les prix des logements neufs ont quant à eux chuté de -0,7 % sur le mois, la plus forte baisse mensuelle depuis octobre 2014, et les prix des logements existants ont sombré de -1 %, la plus forte baisse depuis au moins 2011, lorsque la Chine a commencé à utiliser la méthode actuelle de collecte de données4. Les autorités ont dévoilé un vaste plan de sauvetage pour soutenir le secteur immobilier, mais les premiers résultats dans les villes pilotes et diverses autres initiatives locales montrent les défis à venir alors que les gouvernements locaux s'inquiètent de l'augmentation de la dette tandis que les promoteurs et les propriétaires sont réticents à vendre à prix réduit.

Ainsi, les deux principaux moteurs de croissance traditionnels de la Chine – l'immobilier et le commerce mondial – font face à d’importants vents contraires et un soutien public plus important semble devoir être nécessaire pour solidifier l'économie. Cependant, l’accent mis par la Banque populaire de Chine sur la stabilité du taux de change pourrait l’empêcher de réduire les taux d’intérêt – du moins jusqu’à ce que la Fed agisse.

Inflation et politique

La plupart des investisseurs s'attendent à ce que la BCE et la Fed réduisent leurs taux directeurs en septembre, même si ces décisions dépendront de l’évolution des statistiques macroéconomiques.

Dans la zone euro, l'incertitude politique en France devrait peser sur l'activité économique. Il est peu probable que le Rassemblement national (RN) obtienne la majorité absolue, ce qui génère de l’incertitude sur la manière dont un gouvernement peut être formé et comment un budget 2025 pourrait être adopté. Même si le RN a abandonné de nombreuses mesures coûteuses de son programme et s’est engagé dans une certaine mesure à respecter les règles budgétaires de l’UE, le risque de dérapage budgétaire demeure présent. Plus généralement, la faiblesse de la confiance des entreprises de la Zone euro en juin a accru le risque d’une croissance économique plus faible, ce qui favoriserait une baisse des taux en septembre.

Cependant, la BCE est simultanément confrontée à un marché du travail très tendu et à une hausse des coûts salariaux qui alimentent l’inflation des services. L'estimation préliminaire de l'inflation de juin a montré que les prix dans le secteur des services étaient en hausse de 0,6 % sur le mois et de 4,1 % sur un an, une fois de plus surprenant à la hausse5. En conséquence, malgré la baisse des prix des biens et de l’énergie, l’inflation sous-jacente serait restée à 2,9 %, un niveau encore trop élevé pour plusieurs membres de la BCE5.

Par ailleurs, après quatre mois de fortes hausses de prix, les données sur l'inflation américaine de mai étaient beaucoup mieux orientées. Même si la Fed a reconnu qu'il s'agissait d'une bonne nouvelle, les trois rapports sur l’inflation précédant la réunion de septembre devront rassurer sur le fait que l'inflation évolue durablement vers l'objectif de 2 % avant qu’un assouplissement monétaire soit envisageable, à moins que le marché du travail ne montre des signes évidents de détérioration.

Qui plus est, les perspectives politiques joueront également un rôle dans la fonction de réaction de la Fed. Après un débat présidentiel désastreux, les chances de réélection du président Biden ont diminué. En tête de l’agenda de son opposant Donald Trump, trois points – l’augmentation des droits de douane, la réduction de l’immigration et la prolongation des réductions d’impôts arrivant à échéance – seraient tous inflationnistes, et leur mise en œuvre pourrait rendre difficile l’assouplissement de la Fed.

Bien que l’administration Biden n’ait pas été un ardent défenseur du libre-échange, un deuxième mandat de Trump pourrait ouvrir la voie à deux politiques : un droit de douane de 60 % sur toutes les importations chinoises et un droit de douane universel de 10 % sur toutes les importations. Même s’il est peu probable que la répercussion sur les prix à la consommation sera complète, l’effet inflationniste pourrait néanmoins être significatif.

L’impact inflationniste de l’immigration est vivement débattu dans la mesure où elle contribue à la fois à augmenter l’offre de main-d’œuvre, mais également la demande des consommateurs, même si une partie de cette dernière est évincée par les envois de fonds vers les pays d’origine. Pour autant, la plupart des recherches ont montré que l’augmentation de l’immigration au cours de la période post-pandémique a permis d’empêcher une surchauffe du marché du travail américain, aidant ainsi la Fed dans sa lutte contre l’inflation. Ainsi, les pressions inflationnistes pourraient s’accélérer à nouveau dans la mesure où Trump s’est engagé à fermer la frontière au sud et à commencer à expulser à grande échelle les immigrants illégaux déjà présents dans le pays.

En ce qui concerne les perspectives budgétaires, la prochaine administration sera immédiatement confrontée à l’expiration, à la fin de 2025, des réductions d’impôts sur les sociétés et les particuliers de la loi sur la réduction d’impôt et l’emploi (TCJA) de 2017. Le président Biden a déclaré son intention de prolonger effectivement la TCJA, mais seulement pour revenus de moins de 400 000 $. Du côté des entreprises, Biden a proposé de relever le taux d’impôt des sociétés de 21 % à 28 %. Or, Trump prolongerait probablement toutes les dispositions de la TCJA, exerçant ainsi une pression encore plus forte sur le déficit budgétaire, compliquant une fois de plus l’objectif de la Fed.

Dans l’ensemble, les banques centrales sont contraintes de maintenir des taux directeurs élevés dans un contexte d’inflation persistante des services, et l’incertitude politique croissante s’ajoute à une conduite de politique monétaire déjà compliquée.

Achevé de rédiger le 5 juillet 2024.

(1) Indice des directeurs d’achat, indicateur reflétant la confiance des directeurs d’achat dans un secteur d’activité. Supérieur à 50 il exprime une expansion de l’activité, inférieur à 50, une contraction.
(2) Source : S&P Global, juillet 2024.
(3) Source : ifo Institut, juillet 2024.
(4) Source : National Bureau of Statistics of China, juillet 2024.
(5) Source : Eurostat, juillet 2024.