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Monthly Macro Insights — Janvier 2025

Stratégie  —  09/01/2025

Marc-Antoine Collard

Chef économiste – Directeur de la recherche macroéconomique

En 2024, la croissance mondiale n’a finalement pas faibli, le commerce mondial s’est redressé tandis que les pressions sur les prix à la consommation ont continué de s’atténuer. Les investisseurs prévoient que cette résilience se poursuivra en 2025, mais ces perspectives masquent des différences régionales significatives et sont entourées d’importantes incertitudes.

Risques baissiers aux États-Unis…

L’économie mondiale a fait preuve de résilience l’année dernière. La désinflation a permis un assouplissement de la politique monétaire dans la plupart des grandes économies, soutenant ainsi les dépenses des ménages. Pour autant, l’année 2024 aura été la plus grande année électorale de l’histoire de l’humanité, et les partis au pouvoir dans le monde entier ont obtenu de très mauvais résultats après quatre années de crises successives – une pandémie mondiale, une guerre à grande échelle en Europe pour la première fois depuis des décennies et la plus forte poussée d’inflation depuis les années 1970. À cet égard, une victoire de Kamala Harris aux États-Unis aurait été une étonnante exception à cette règle.

L’ironie veut que les États-Unis aient connu la croissance du PIB la plus rapide de tous les pays du G7 au cours des deux dernières années, et cet exceptionnalisme persisterait cette année selon les dernières projections économiques de l’OCDE. Or, bien que la tendance récente de résilience inattendue des États-Unis puisse se poursuivre, les risques sont néanmoins orientés à la baisse.

Certes, la croissance de la productivité, potentiellement alimentée par de nouvelles avancées en intelligence artificielle, pourrait surprendre à la hausse. Cependant, en tête du programme de Donald Trump, trois points sont susceptibles d’être inflationnistes : l’augmentation des tarifs douaniers, la limitation de l’immigration et la prolongation des réductions d’impôts qui arrivent à expiration. Leur mise en œuvre pourrait non seulement rendre difficile l’assouplissement monétaire de la Fed, mais aussi nuire au secteur des exportations si les partenaires commerciaux des États-Unis devaient mettre en place des représailles. En outre, à mesure que l’immigration se normalise et que la demande de main-d’œuvre ralentit, la croissance de la consommation pourrait s’essouffler, d’autant plus que les consommateurs ont moins la possibilité de puiser dans leur épargne. La croissance de l’investissement pourrait également ralentir, car les ménages et les entreprises qui ont bloqué des taux bas pendant la pandémie doivent désormais se refinancer à des taux plus élevés.

De plus, des finances publiques très dégradées malgré une période de solide croissance économique augmentent les risques budgétaires, troublant ainsi le marché obligataire. En effet, les perspectives d’inflation plus élevées et plus volatiles, combinées à une forte hausse de la dette publique, pourraient augmenter la prime de terme que les investisseurs exigent pour acheter des obligations américaines. En retour, des taux d’intérêt plus élevés pèseraient sur la croissance économique, tant au niveau national qu’international, puisque le marché obligataire américain a des effets d’entraînement bien au-delà de ses frontières.

… et en Europe

La croissance économique en Europe a été médiocre en 2024, le PIB ayant probablement progressé de moins de 1 % au Royaume-Uni 1 et dans la zone euro. Les indicateurs récents suggèrent une faiblesse persistante de l’activité, l’indice PMI 2 de confiance des entreprises oscillant autour du seuil neutre de 50 à la fin de 2024, ce qui signale une croissance potentiellement plus faible que prévu par rapport aux prévisions optimistes des investisseurs.

Au niveau régional, l’Allemagne et la France sont toutes deux confrontées à un environnement politique difficile, qui pourrait à son tour affecter les décisions stratégiques des entreprises, entraver les investissements et freiner la consommation des ménages. Bien que la guerre en Ukraine ait déclenché des dépenses militaires supplémentaires et que le programme Next Generation EU soutienne les investissements publics, la consolidation budgétaire dans certains pays, dans un contexte de déficits toujours élevés, pourrait peser sur l’activité économique. En outre, l’indice PMI manufacturier de la zone euro de décembre (à 45,1) 2 a signalé un nouveau mois de détérioration des conditions, prolongeant la séquence actuelle sous le seuil de 50 à deux ans et demi 1. Le sous-indice des nouvelles commandes a chuté encore plus que lors des deux mois précédents, bousculant tout espoir de reprise rapide, notamment compte tenu de la détérioration du sous-indice des carnets de commandes. Plus généralement, l’Europe se prépare également à de nouveaux tarifs douaniers et à une diminution du soutien sécuritaire de la part de l’administration Trump.

Cependant, le marché du travail et l’assouplissement des conditions financières représentent des facteurs de soutien. Le taux de chômage s’est établi à un niveau historiquement bas de 6,3 % en novembre 3. Associé à une forte croissance des salaires nominaux négociés, en hausse de 5,4 % 3 en glissement annuel au troisième trimestre contre 3,5 % 3 au deuxième trimestre, cette bonne santé du marché du travail devrait soutenir la consommation, d’autant que le taux d’épargne des ménages reste nettement supérieur à la norme pré-pandémique. En outre, l’assouplissement de la BCE se transmet au secteur bancaire, la demande de prêts des entreprises et des ménages ayant augmenté selon la dernière enquête de la BCE auprès des institutions financières.

Brouillard en Chine

La croissance chinoise a montré quelques timides signes de stabilisation grâce aux mesures prises depuis fin septembre. Par exemple, la baisse des prix de l’immobilier dans les grandes villes a ralenti en novembre pour la première fois depuis début 2024. En revanche, la croissance des ventes au détail a faibli de manière inattendue, alors que l’inflation a ralenti en novembre pour atteindre 0,2 % contre 0,3 % 4, signe que l’économie domestique reste fragile.

Les investisseurs s’attendent à un ralentissement de l’activité économique, le PIB progressant respectivement de 4,5 % et 4,2 % en 2025 et 2026, contre 4,8 % en 2024 1. Cependant, les scénarios sont nombreux tant le niveau d’incertitude est élevé. Les droits de douane américains pourraient être augmentés à hauteur du montant total promis pendant la campagne présidentielle (soit 60 %), mais le calendrier et les objectifs seront importants, et une approche progressive combinant plusieurs cycles de négociations permettrait d’absorber le choc. Le gouvernement chinois annoncera vraisemblablement d’autres mesures, mais l’ampleur de ce soutien sera ajustée en fonction de l’étendue du frein extérieur. Les investissements dans les infrastructures pourraient notamment croître à un rythme soutenu, l’investissement public se renforçant grâce à l’augmentation des émissions de dette des collectivités locales.

Achevé de rédiger le 07 janvier 2025.

(1) Source : Bloomberg, janvier 2025.
(2) Indice des directeurs d’achat, indicateur reflétant la confiance des directeurs d’achat dans un secteur d’activité. Supérieur à 50 il exprime une expansion de l’activité, inférieur à 50, une contraction
(3) Source : Eurostat, décembre 2024.
(4) Source : National Bureau of Statistics of China, décembre 2024.