
Marc-Antoine Collard
Chef économiste – Directeur de la recherche macroéconomique
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Avant 1965, l’inflation américaine est restée stable pendant des années, oscillant autour ou en dessous de 2 %. Par la suite, la Guerre du Vietnam et la lutte contre la pauvreté ont conduit le président Lyndon Johnson à augmenter considérablement les dépenses publiques. Si certaines ont pu être financées par de nouveaux impôts, une grande partie ne l’a pas été et a entraîné un accroissement des déficits. À une époque où l’économie était proche du plein emploi, cette politique s’est traduite par une hausse de l’inflation accru par le premier choc pétrolier de l’Histoire.
En août 1979, Paul Volcker est nommé au poste de président de la Fed qui, de décembre 1979 à février 1980, a pris des mesures qui ont entraîné une hausse substantielle des taux d’intérêt.Pourtant, ces mesures monétaires « agressives » n’ont servi qu’à contenir temporairement l’inflation. En effet, lorsque l’économie américaine est tombée en forte récession en janvier 1980, la Fed de P. Volcker s’est comportée de la même manière que précédemment : une politique monétaire restrictive face à la montée de l’inflation et une brusque volte-face pour combattre la récession lorsque le chômage commençait à augmenter.
Si cette souplesse de la politique monétaire a partiellement permis à l’économie américaine de sortir de la récession en juillet 1980, elle n’a cependant pas suffi à contenir l’inflation. En décembre 1980, elle atteint plus de 12 % quand le taux directeur de la Fed s’élevait, quant à lui, à 19 %. Le FOMC comprend alors que sa politique restrictive risque de provoquer une nouvelle récession, mais P. Volcker a continué de soutenir que la maîtrise de l’inflation s’avérait nécessaire et à insisté pour que la Fed ne fasse pas marche arrière.
L’économie américaine est officiellement entrée en récession au troisième trimestre 1981. Le chômage est passé de 7,4 % au début de la récession à près de 10 % un an plus tard.Volcker a continué de maintenir un ton ferme. À la fin de l’année 1982, l’inflation est tombée à 4 % et les taux d’intérêt à long terme ont commencé à baisser. La Fed a ramené le taux directeur à 9 %, et le chômage a rapidement diminué. Globalement, la récession de 1981-1982 fut le pire ralentissement économique que les États-Unis aient connu depuis la Grande Dépression.
Aujourd’hui, la flambée des prix des produits de base, dans le sillage de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, a exacerbé les pressions inflationnistes déjà élevées. À cet égard, la situation actuelle ressemble aux chocs pétroliers des années 1970. En outre, à l’époque comme aujourd’hui, les politiques monétaires et budgétaires étaient accommodantes avant que ces chocs ne surviennent. Toutefois, les années 1970 ont été marquées par des rigidités économiques structurelles considérables, de plus, l’intensité énergétique du PIB a considérablement diminué depuis les années 1970. En outre, un changement de paradigme s’est opéré depuis dans le cadre des politiques monétaires.
Une leçon clé des années 1970 souligne que les banques centrales doivent agir de manière préventive pour éviter une perte de confiance dans leur engagement à maintenir une inflation modérée désormais spécifiée dans leurs objectifs d’inflation. Il est également essentiel d’éviter le désancrage de l’inflation. Enfin, il reste à déterminer si le resserrement monétaire mondial actuel, presque sans précédent, se transformera en instabilité financière, comme ce fut le cas au début des années 1980.