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Blockchain in practice : La blockchain dans le monde du luxe

Focus Fonds  —  15/06/2023

Charles-Edouard Bilbault

Gestionnaire Actions Internationales

Klara Sok

Co-Gestionnaire R-co Thematic Blockchain Global Equity

En savoir plus R-co Thematic Blockchain Global Equity

Cela fait plusieurs années que les grands acteurs du luxe se sont emparés de la technologie blockchain : LVMH, Richemont, Kering, Dolce & Gabbana, Prada, De Beers… mais aussi Christie’s, Sotheby’s, Porsche, Rolls Royce, Mercedes-Benz, BMW… et même plus récemment Le Bristol du groupe hôtelier Oetker. Et pour cause, la blockchain se présente comme une innovation technologique d’une rare fiabilité et d’une grande polyvalence, capable de répondre à une grande variété de problématiques auxquelles fait face cette industrie exigeante.

Dans un contexte où la concurrence s’intensifie et la clientèle se montre toujours plus sensible à la qualité des produits et des services qui les accompagnent, cette technologie de pointe se présente comme un nouvel atout. Elle contribue à valoriser et préserver le savoir-faire séculaire des métiers du luxe tout en accélérant leur transformation digitale. Un grand écart audacieux, mais nécessaire.

Certains utilisent la blockchain comme brique technologique leur permettant de renforcer leur relation client et, parfois même, de renouveler et enrichir la partie expérientielle de leur offre au global. D’autres capitalisent sur les avantages de la blockchain comme infrastructure sécurisée de structuration de données numériques. Ils l’utilisent alors comme l’épine dorsale d’un système de traçabilité et de gestion de la qualité de leurs produits. Ainsi, qu’on le veuille ou non, nombre de nos produits les plus luxueux portent désormais en eux cette empreinte numérique.

Comment la Blockchain est-elle utilisée dans le secteur du Luxe ?

La blockchain a d’abord été utilisée pour ses qualités reconnues en matière de traçabilité, particulièrement efficaces pour lutter contre la contrefaçon(1) et contrôler le marché des produits de seconde main. Elle sert aussi à gérer les chaînes d’approvisionnement et certifier la provenance et l’histoire des objets de luxe.

La contrefaçon s'élevait à 412 milliards d’euros en 2019 selon l’Office de l’Union Européenne

Dès 2018, la Maison De Beers lance ses premier chantiers et teste la blockchain. L’objectif est de répondre à une problématique à laquelle fait face l’industrie du diamant : certifier la provenance de ses pierres précieuses, de la mine à la joaillerie, dans un contexte où la clientèle est de plus en plus exigeante sur ce sujet. La question n’est pas simple à résoudre, les chaînes d’approvisionnements complexes et la dimension éthique étant plus que jamais centrales. En 2022, le diamantaire annonce la finalisation de son projet. Son distributeur Sightholders fournit désormais des certificats de provenance qui couvrent l’ensemble de sa chaîne d’approvisionnement, en s’appuyant sur la blockchain. Dans quel but ? D’une part, la transparence assurée par cette technologie, d’autre part, sa capacité à intégrer de façon simple et hautement sécurisée des écosystèmes de données complexes et souvent hétérogènes. Avec une blockchain, l’ensemble des données sont standardisées et structurées par défaut, et ce, pour tout un écosystème. Les gains d’efficience et les possibilités d’optimisation opérationnelle sont immenses. Au niveau de la production, mais aussi des achats, de la distribution, du contrôle de la qualité, ou encore d’un point de vue financier.

En avril 2021, LVMH et le groupe Richemont ont créé le consortium Aura pour développer une blockchain dédiée à l’industrie du luxe. Le groupe OTB et Mercedes-Benz les ont rejoints par la suite. Cette alliance a donné naissance à une plateforme de traçabilité spécialisée pour le secteur du luxe. L’ambition étant de donner aux entreprises un outil capable de fournir une authentification des produits dans un format numérique ultra-sécurisé et répondant aux standards de l’industrie. En mars 2023, la Maison Loro Piana annonce l’intégration de certificats de qualité et de provenance de ses plus belles matières. Ces certificats sont produits grâce à la blockchain Aura et assortis à l’ensemble des nouvelles pièces d’une de ses lignes les plus prestigieuses, « The Gift of Kings ». Les acquéreurs de ces lainages raffinés pourront scanner un QR code qui leur donneront accès à l’histoire unique et complète de chaque pièce, soigneusement enregistrée à chaque étape de fabrication dans la blockchain.

La blockchain est également utilisée par l’industrie du luxe pour enrichir le pendant numérique de l’expérience client et sécuriser sa transformation digitale.

65 % de la clientèle du secteur du luxe sont des jeunes consommateurs "digital natives" ce chiffre s'élèvera à plus de 80 % en 2030.

L’adaptation du secteur aux nouvelles pratiques numériques est désormais indispensable. La blockchain peut être utilisée comme un moteur de transformation numérique. Elle favorise le développement d’expériences digitales sur-mesure et permet d’enrichir la relation client. Les jeunes consommateurs, tout particulièrement les « digital natives » nés avec Internet, représentent aujourd’hui 65 % de la clientèle du secteur du luxe. En 2030, ce chiffre s’élèvera à plus de 80 %(2). Répondre aux exigences d’une clientèle aux habitudes numériques est devenu essentiel et tend à s’imposer rapidement comme nouvelle norme. La nouvelle génération de leaders de cette industrie l’a bien compris, si l’on en croit les récents succès d’Alexandre Arnault chez Tiffany & Co. En s’appuyant sur les NFT, le joaillier a généré, en une vingtaine de minutes, 12,5 millions de dollars sur la vente de pendentifs uniques à destination d’un nouveau segment de clients.

Dans cette lignée, plusieurs marques font le pari d’adapter en partie leur stratégie de communication et de distribution aux nouvelles générations. Les codes de la communication et le rapport au luxe ne correspondent plus nécessairement à ce que cela peut représenter pour leurs parents. Les ventes en ligne ont gagné du terrain. La communication se fait désormais aussi via les réseaux sociaux. Le numérique que l’on aurait pu croire autrefois incompatible avec le luxe est désormais le canal privilégié, pour cette nouvelle génération et tout particulièrement dans des zones géographiques comme la Chine, dont la contribution aux ventes de l’industrie a plus que doubler ces cinq dernières années.

Gucci, Prada et Dolce & Gabbana se positionnent directement dans le métavers. Elles conçoivent du contenu numérique à leur image pour les utilisateurs de ces mondes digitaux. La propriété de biens virtuels, dont se parent les plus enthousiastes de cet univers numérique, représente désormais une opportunité de taille.

Saint Laurent, Tiffany & Co et le Bristol intègrent la technologie au cœur de l’expérience client et du parcours d’achat, lors d’opérations dédiées. Ces opérations ciblent une niche de clientèle particulièrement sensible à l’innovation expériencielle que permet la blockchain, à travers ce qu’on appelle le « Web3 ». Cette troisième évolution majeure du « Web » permet à ses utilisateurs de se connecter directement avec la marque via un canal de communication numérique dédié. Cette connexion, souvent associée à l’acquisition d’un « NFT », sorte de carte numérique à édition limitée offrant droits et privilèges particuliers à leurs détenteurs, leur donne ainsi accès à une sorte de club exclusif. Par exemple, les détenteurs de « NFT » du Bristol pourront accéder à la piscine du toit du Palace parisien pendant cinq ans, déguster des cocktails inédits, participer à des cours dans les cuisines du Palace, être invités à des événements privés, etc.

Les maisons de vente Christie’s et Sotheby’s ont désormais toutes deux des départements dédiés aux « NFT » et à l’art digital : Christies 3.0 et Sotheby’s Metaverse. Elles comptent déjà dans leurs livres des ventes emblématiques comme celle de l’œuvre monumentale de Mike Winkelmann, connu sous le nom de Beeple, « Everydays: the First 5000 Days », cédée pour 69,3 millions de dollars. Ces plateformes novatrices leur permettent de promouvoir une nouvelle génération d’artistes tout en élargissant leur base de clientèle.

Ces exemples ne sont évidemment pas exhaustifs. Parmi les nombreuses utilisations que l’industrie du luxe a pu faire de la blockchain, on compte notamment la gestion des pièces détachées par Lamborghini, la facilitation de partage de propriété de type « timesharing » de jets privés, l’accès à des parts d’œuvres d’art comme « La Fillette au Béret » de Picasso par Artemundi et Sygnum ou encore l’animation de vente de bouteilles de spiritueux de collection par des maisons comme Hennessy, Dom Pérignon, Pernod-Ricard, Diageo… Des acteurs français du numérique participent aussi à ces innovations. Dès 2017, la startup Arianee explore l’utilisation de NFT pour répondre aux besoins du secteur. Le créateur de réalité virtuelle haute-fidélité Mira travaille à de nouvelles expériences immersives Web3 pour de grands acteurs du luxe.

Pourquoi utiliser la blockchain ? Quelle est sa valeur ajoutée pour les entreprises du secteur du luxe ?

Comme nous l’avons vu , la blockchain peut être utilisée pour un grand nombre d’applications spécifiques. Pour l’industrie du luxe, elle constitue un outil de traçabilité efficace. Son utilisation contribue à la valorisation de la qualité et de la rareté des produits. Il s’agit, par ailleurs, d’une plateforme polyvalente qui peut être utilisée pour développer des outils de fidélisation. Elle permet de renforcer la relation directe d’une marque avec sa clientèle, via l’utilisation de NFT, par exemple. Elle peut également être employée pour la création de nouvelles sources de revenu en touchant notamment une clientèle sensible aux innovations expériencielles ancrées dans le numérique. Pour tout cela, le choix de la blockchain comme infrastructure technologique n’est pas anodin. 

Quel impact aujourd’hui et pour demain ?

Les transformations économiques passent souvent par des événements de rupture, comme l’utilisation de nouvelles technologies. Le monde du luxe, s’il se caractérise par l’atemporalité d’une esthétique et d’un raffinement capable de traverser les époques, n’y échappe pas. Comme dans toute entreprise marchande, une logique de rentabilité contraint les fabricants à générer des revenus susceptibles de couvrir leurs dépenses sur le long terme et garantir les investissements nécessaires au maintien, a minima, de leur place dans l’espace concurrentiel. Et cela est d’autant plus vrai pour un secteur à la clientèle particulièrement exigeante, et où le contrôle de la qualité, de l’image et de la réputation est vital.

Dans ce contexte, la blockchain permet à cette industrie de répondre à des problématiques séculaires auxquelles fait face ce secteur et à de nouvelles questions, émergeant des transformations sociétales qui affectent la notion même de luxe.

Les alliances autrefois improbables entre grands groupes concurrents, tels que LVMH et Richemont font désormais partie de la réalité. Elles se réalisent grâce à la blockchain et sont motivées en partie, peut-être, par le besoin partagé de se défendre face à des menaces communes de plus en plus prégnantes, comme la contrefaçon et la perte de contrôle du marché secondaire avec la multiplication des plateformes digitales de mise en relation directe entre acheteurs et vendeurs. L’utilisation de passeports numériques, intimement liés aux marchandises échangées, donnent aux fabricants plus de visibilité sur le destin de leurs produits. Les acquéreurs sont également gagnants. La relation privilégiée qu’ils établissent avec les producteurs, via cette nouvelle génération de certificats, contribuent à préserver la valeur et l’image de leurs acquisitions.

D’un point de vue marketing, les acteurs du luxe, pour continuer à évoluer, font également face à ce dilemme permanent : d’une part, aller à la rencontre de nouvelles populations afin d’élargir leur base de clientèle et ainsi générer de nouvelles sources de revenu et, d’autre part, préserver l’exclusivité de leur offre et maintenir ainsi un niveau de sélectivité élevé, à l’image de la rareté de leurs produits. Le recours aux innovations s’appuyant sur la blockchain, comme les NFT, permet aux producteurs d’atteindre de nouvelles populations. Ils utilisent des canaux de distribution très spécifiques, sans pour autant renier les méthodes plus traditionnelles qu’ils maintiennent avec leur cœur de clientèle via les boutiques physiques.

À travers des usages diversifiés, la technologie blockchain est déjà bien ancrée dans l’industrie du luxe. Pour ce secteur toujours à la recherche d’un équilibre entre tradition et modernité, dans les années à venir, le développement de nouveaux points de vente numériques grâce à l’utilisation combinée de technologies comme la réalité virtuelle et le métavers, nous réservera peut-être aussi des surprises de nature à faire évoluer la notion même de luxe.


(1) D’après l’Office de l’Union Européenne pour la Propriété Intellectuelle, la contrefaçon représentait 412 milliards d’euros en 2019.
(2) Source : Etude Bain-Altagamma, 21e édition. L’étude Bain-Altagamma considère les « millénials », ou génération Y, comme nés entre 1980 et 1997 et les « digital natives » ou génération Z entre 1997 et 2010.
NFT : Un NFT est un objet informatique (un jeton) suivi, stocké et authentifié grâce à un protocole de chaîne de blocs (blockchain), auquel est rattaché un identifiant numérique, ce qui le rend unique et non fongible. Ce jeton accorde des droits, de propriété ou autre, sur un objet réel ou virtuel comme une oeuvre d'art (souvent numérique), un contrat, un diplôme etc.. et est associé à un compte propriétaire comme tout jeton de blockchain, mais le jeton étant non fongible, le propriétaire est garanti unique, ce qui donne la valeur au jeton.
Web3 : Le Web3 ou Web 3.0 est un terme utilisé pour désigner l'idée d'un web décentralisé exploitant la technologie des chaînes de blocs, se voulant ainsi le successeur du Web 2.0, terme utilisé pour désigner le web « social ».