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Monthly Macro Insights — Septembre 2025

Stratégie  —  10/09/2025

Marc-Antoine Collard

Chef économiste – Directeur de la recherche macroéconomique

Les investisseurs espèrent la poursuite de l’assouplissement de la politique monétaire, mais dans un contexte de résilience du cycle économique. Or, ce scénario rêvé s’avère de plus en plus mis à l’épreuve en raison d’une dynamique défavorable d’inflation se heurtant à un marché du travail en déclin.

Une gueule de bois post « front-loading1 » ?

L’activité industrielle mondiale a connu une forte hausse au cours des premiers mois de 2025, accompagnée d’un essor encore plus important des exportations. Une partie de l’augmentation s’explique par un certain rattrapage après le trou d’air observé au second semestre 2024, mais est principalement due à un "front-loading 1" précoce des entreprises et des ménages ayant effectué des achats avant la mise en place des droits de douane. Or, malgré une solidité indéniable de la demande américaine dans le secteur technologique, un ralentissement du commerce mondial et de l’activité industrielle est maintenant en cours, la production industrielle mondiale étant en stagnation sur les trois mois les plus récents alors que le volume des exportations se contracte.

Certes, le PMI 2  manufacturier mondial d’août compilé par S&P a augmenté à 50,9 contre 49,7 en juillet 3 , suggérant que la période morose pourrait être de courte durée. En revanche, l’indice a été volatil ces derniers mois, et le bilan est moins positive au regard des sous-composantes de l’indice. Parmi celles-ci, les perspectives futures des entreprises ont montré que le niveau de confiance des entreprises est resté inférieur à la moyenne de long terme pour le dix-septième mois consécutif, tandis qu’une grande partie de l’amélioration récente de l’indice a été concentrée dans la constitution de stocks plutôt que dans les ventes finales. En outre, les résultats de l’enquête S&P dans certains pays sont en contradiction avec des enquêtes comparables, rendant les perspectives encore plus incertaines. Par exemple, le PMI 2 manufacturier américain a bondi de +3,2 pts à 53 points3, son niveau le plus élevé depuis plus de trois ans, et explique une part importante de la hausse de l’indice mondial en août. Dans le même temps, l'ISM manufacturier n’a quant à lui augmenté que de +0,7 pt pour atteindre 48,7 4 , signalant une demande faible pour un sixième mois consécutif en raison notamment de l’imprévisibilité entourant l’évolution de la politique commerciale.

 

 Les perspectives en Chine demeurent floues…

Malgré l’effondrement des exportations vers les États-Unis, la Chine a bénéficié de la bonne tenue des dépenses d’investissement mondiales par le biais de stratégies de contournement des droits de douane et de réorientation vers d’autres marchés, aidant l’économie à rester remarquablement résiliente sur la première partie de 2025. Cependant, dans la mesure où les États-Unis intensifient leur surveillance du réacheminement des marchandises chinoises, ce moteur de la croissance chinoise est à risque.

En parallèle, les autorités avaient augmenté en début d'année l’éventail d’appareils électro-ménagers pouvant bénéficier de subventions publiques, élargissant ainsi la portée du programme visant à stimuler la demande intérieure. Or, la faiblesse des ventes au détail ces derniers mois suggèrent que l’impact économique positif de ces mesures semble s’estomper rapidement.

Selon le Bureau National des Statistiques, l’activité manufacturière chinoise est restée bloquée en zone de contraction en août, avec un PMI2 de 49,4 contre 49,3 en juillet 4. Il est vrai que le PMI non-manufacturier a quant à lui légèrement augmenté pour s’établir à 50,3, mais le sous-indice de la construction est tombé au niveau le plus bas (49,1) depuis la pandémie, signe que les difficultés du marché immobilier se sont intensifiées. Les prix des maisons anciennes ont encore baissé de -0,55% m/m en juillet, tandis que ceux des maisons neuves ont reculé de -0,31% 4, s'inscrivant dans le prolongement de la plus forte baisse en huit mois qui avait été enregistrée en juin. La série de mesures de soutien gouvernementales récentes n’a guère contribué à raviver l’intérêt pour l’investissement immobilier.

Ainsi, les perspectives restent incertaines et, malgré de meilleures conditions météorologiques et une pause de 90 jours sur l'application éventuelle de droits de douane américains additionnels, les PMI 2 d’août en Chine ont montré que l’économie n’a pas surmonté les faiblesses identifiées en juillet. Bien que ces statistiques plaident en faveur d’un assouplissement monétaire plus important, la PBOC 5 pourrait être prudente quant à l’ajout de liquidités supplémentaires, compte tenu de la hausse du cours des actions qui semble distancer la réalité économique.

 

…tout comme aux États-Unis

 La Fed fait face à un dilemme grandissant entre ses deux mandats : la stabilité des prix et le plein emploi. Sur ce dernier point, les statistiques récentes ont témoigné d'un nouvel affaiblissement du marché du travail, avec une augmentation moyenne de seulement +29 000 postes6 par mois entre juin et août. Combinées à une baisse du nombre d’heures travaillées et à un taux de chômage atteignant un sommet post-pandémie de 4,3 % 6, cela met en évidence un affaiblissement de la demande de main-d’œuvre, ce qui ouvre la voie à une réduction du taux directeur de la Fed lors de la réunion de mi- septembre.

Cependant, les progrès vers une normalisation de l’inflation vers la cible sont au point mort. En juillet, le taux d’inflation de base du PCE – la mesure de l'inflation sous-jacente privilégiée par la Fed – a encore augmenté pour atteindre 2,9 %, largement au-dessus de l’objectif. De plus, les salaires et traitements dans l’indice du coût de l’emploi ont augmenté de +0,9% t/t au deuxième trimestre 20256, interrompant la tendance de modération antérieure, tandis que le rythme de croissance du coût unitaire de main-d’œuvre a accéléré pour atteindre 2,5% a/a 6, un point haut depuis le premier trimestre de l’année dernière.

En outre, les prochains rapports sur l’inflation montreront très probablement une hausse significative des prix alors que les espoirs des entreprises en matière de réduction tarifaire s’évanouissent rapidement. Au contraire, de nouveaux droits de douane ont été mis en place au cours des dernières semaines, tandis que des droits de douane sectoriels supplémentaires sont attendus. L'augmentation des prix des biens intermédiaires se répercute maintenant sur l'ensemble de la chaîne de production jusqu’aux biens de consommation finale, et les stocks précédemment constitués ont été considérablement réduits.

La question clé est donc la suivante : la détérioration du marché du travail sera-t-elle plus conséquente que la hausse de l’inflation ? Si tel était le cas, cela ouvrirait la porte à un assouplissement substantiel de la politique monétaire américaine. Cependant, les anticipations d’inflation semblent s’être partiellement désancrées – du moins selon les enquêtes auprès des ménages – alors que l’inflation est supérieure à la cible depuis plus de quatre ans et ne devrait pas y revenir avant 2027, au plus tôt. En conséquence, les dynamiques de l’inflation devraient placer la plupart des membres de la Fed dans une position inconfortable, sauf peut-être ceux qui sont loyalistes à l’administration Trump qui exige des taux d’intérêt plus bas afin de financer les déficits budgétaires importants qu’elles a créés. L’ironie est que la récente attaque sans précédent contre l’indépendance de la Fed impliquera très probablement des rendements à long terme plus élevés qu’ils ne l’auraient été autrement, le marché obligataire étant devenu un des derniers remparts contre la détérioration institutionnelle sévissant de l’autre côté de l’Atlantique.

Achevé de rédiger le 8 septembre 2025.

(1) « front-loading » désigne une stratégie d’anticipation des commandes ou des investissements avant une période d’incertitude ou de changement de politique commerciale.
(2) Indice des directeurs d’achat, indicateur reflétant la confiance des directeurs d’achat dans un secteur d’activité. Supérieur à 50 il exprime une expansion de l’activité, inférieur à 50, une contraction.
(3) Source : S&P Global, Septembre 2025.
(4) Source : Bloomberg, septembre 2025.
(5) Banque populaire de Chine
(6) Source : Fed, juillet 2025