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Monthly Macro Insights — Août 2025

Stratégie  —  05/08/2025

Marc-Antoine Collard

Chef économiste – Directeur de la recherche macroéconomique

L’économie mondiale a démarré 2025 sur un rythme de croissance élevé, portée par une hausse de la consommation et de l’investissement en anticipation de l'augmentation des droits de douane. Le ralentissement de l’activité économique a-t-il été évité, ou a-t-il seulement été repoussé à plus tard ?

Un premier semestre meilleur qu’attendu...

Le “jour de la libération” du 2 avril a bouleversé les marchés financiers. Les craintes d’une récession se sont rapidement développées tant la menace d’un choc inédit sur le commerce mondial, couplé à un effondrement de la confiance des agents économiques, étaient importants. Or, si le niveau définitif des droits de douane aux États-Unis demeure toujours incertain, le pire semble avoir été évité, alors qu'un taux plancher général de 15% a émergé1, même si certains pays (Chine, Inde...) et secteurs clés (pharmaceutique, semi-conducteurs...) devraient se voir appliquer des taux plus élevés.

Certes, le niveau moyen des droits de douane américains est aujourd’hui le plus élevé depuis les années 1930, et six fois plus élevé qu’en début d’année1. En revanche, les taux initialement annoncés en avril n’ont pas été immédiatement appliqués, délais et exemptions ayant freiné leur hausse et par ricochet leur transmission aux prix à la consommation.

Un recul de la confiance des entreprises a bien été observé, mais cette détérioration s’est révélée moins brutale qu’attendu. De plus, elle ne s’est pas reflétée dans les conditions financières, qui se sont considérablement assouplies jusqu’à la fin juillet, soutenant l’activité économique. D’ailleurs, les économistes ont récemment ajusté leurs prévisions de croissance économique à la hausse pour les États-Unis, quoique de façon modeste.

En outre, le relèvement des tarifs douaniers imposés aux importations chinoises qui menaçait de perturber les chaînes d’approvisionnement globales a été mis de côté, réduisant les risques d'un ralentissement prononcé de la croissance. Plus largement, la mise en place de puissants freins au commerce mondial ne s’est pas vérifiée, aucun pays n’ayant choisi la voie des rétorsions à l’exception du Canada et de la Chine, alors que certaines barrières aux exportations américaines ont même été levées.

Bref, les investisseurs ont conclu que les risques de récession avaient reculé. Pourtant, une baisse significative de la croissance aux États-Unis et dans le monde au deuxième semestre de cette année semble probable, bien que l’absence de précédents historiques récents élargisse la marge d’erreur autour d’une quelconque prévision.

 ... mais les perspectives restent négatives

Jusqu’à présent, la Chine a relativement bien résisté face à l’augmentation des droits de douane, grâce à l’anticipation des exportateurs et à la résilience des flux de marchandises vers les marchés autres que les États-Unis. Cependant, la confiance des entreprises a chuté de manière inattendue en juillet. Dans le secteur manufacturier, le PMI2 s’est dégradé, passant de 49,7 à 49,33 malgré une trêve tarifaire avec les États-Unis. L’indice demeure ainsi sous le seuil des 50, soit en zone de contraction, pour le quatrième mois consécutif. Le PMI non-manufacturier a chuté de -0,4 points à 50,13, signalant une dynamique très faible dans les secteurs des services et de la construction. Bien que le temps exceptionnellement chaud et les fortes pluies aient peut-être joué un rôle dans les résultats de juillet, les données suggèrent que l’économie chinoise risque un ralentissement plus prononcé au deuxième semestre 2025, ce qui renforcerait les appels en faveur de nouvelles mesures de soutien. De plus, malgré une myriade de mesures annoncées ces derniers mois, le secteur immobilier reste un vent contraire important. Le prix des logements neufs a chuté de -0,3% m/m en juin, la plus forte baisse mensuelle en huit mois, tandis que celui des logements déjà construits a chuté de -0,6% , la plus forte baisse depuis septembre4.

Plus généralement, la plupart des pays ont connu une accélération de la production manufacturière lors des premiers mois de 2025. Des gains particulièrement élevés ont été enregistrés en Asie et en Europe, principalement dans les secteurs technologiques et pharmaceutiques, soutenant ainsi la croissance économique mondiale

Or, ce rythme n’est pas soutenable, et un essoufflement significatif du secteur industriel mondial est à prévoir. Déjà, les prévisions d’investissement des entreprises en 2026 dans tous les pays du G7 sont inférieures à ce qu’elles étaient lors de l’arrivée de Trump à la Maison-Blanche pour son deuxième mandat.

Dès lors, le poids de la guerre commerciale pourrait n’avoir été que retardé, et le ralentissement du “front-loading5  dans les quelques secteurs où il s’est produit serait amplifié par un affaiblissement de la demande américaine à mesure que les effets négatifs des politiques tarifaires et d'immigration se font sentir.

Un lourd double mandat

 La Fed a maintenu son taux directeur dans une fourchette de 4,25 à 4,5 % pour la cinquième réunion consécutive en juillet6. Pour la première fois en plus de 30 ans, deux gouverneurs – Waller et Bowman – ont exprimé leur dissidence, déclarant qu’ils préféraient une réduction de -25 points de base plutôt que de maintenir des taux plus élevés pendant plus longtemps. Ils craignent que la détérioration de la croissance et du marché du travail supplante la hausse de l’inflation. Ainsi, la Fed s’enfonce de plus en plus dans un dilemme entre ses deux mandants que sont le plein emploi et la stabilité des prix.

D’un côté, l’inflation “core” PCE de juin – mesure préférée par la Fed de l’inflation sous-jacente – est restée à 2,8 %1, un niveau résolument plus élevé que la cible. Le taux annualisé à 6 mois a lui grimpé à 3,2 %, ce qui suggère que les pressions sur les prix restent importantes1. De plus, l’indice du coût d’emploi montre que les salaires ont augmenté de 0,9% t/t au deuxième trimestre 2025, interrompant la tendance de ralentissement récente. Dans l’ensemble, les progrès réalisés pour ramener la croissance des salaires et des prix à des niveaux compatibles avec la cible d’inflation semblent avoir stagné, voire s’être inversés.

D’un autre côté, les statistiques du marché du travail de juillet ont été étonnamment faibles, avec seulement 73 000 emplois créés7. Le choc le plus important a été la révision massive des données passées, qui a réduit les gains de mai et juin à près de zéro. En fait, le marché du travail semble se détériorer rapidement.

En somme, les droits de douane pourraient ne pas être aussi élevés qu'on ne le craignait initialement. Il s'agit néanmoins d'une taxe qui nuira aux rouages des chaînes d'approvisionnement et du commerce mondial. Les conséquences pourraient se révéler plus dommageables qu’espérées, surtout dans la mesure où les pressions inflationnistes qu’ils provoquent entravent les banquiers centraux dans leur volonté d’adopter une politique monétaire accommodante.

Achevé de rédiger le 1 août 2025.

(1) Source : Bloomberg, Aout 2025
(2) Indice des directeurs d’achat, indicateur reflétant la confiance des directeurs d’achat dans un secteur d’activité. Supérieur à 50 il exprime une expansion de l’activité, inférieur à 50, une contraction.
(3) Source : S&P Global, Août 2025.
(4) Source : National Bureau of Statistics of China, août 2024.
(5) « front-loading » désigne une stratégie d’anticipation des commandes ou des investissements avant une période d’incertitude ou de changement de politique commerciale.
(6) Source : Fed, juillet 2025
(7) Source : US Bureau of Labor Statistics, août 2024.